mercredi 22 août 2007

Cioran


La conversation n'est féconde qu'entre esprits attachés à consolider leurs perplexités.

E. M. Cioran, Ébauche de vertige, p. 108

J'aime bien Cioran. En fait, je l'aime trop. Le seul problème, c'est de s'empêcher, dans le métro, d'avoir l'air pédant en le lisant... De toute façon, j'ai si souvent un sourire niait au visage, quand je lit l'un de ses aphorismes les plus cyniques, que je dois paraître comme un crétin. Pour faire suite à ce que j'ai dit sur Wittgenstein (car j'ai de la suite dans les idées, comme on dit) ...
Ce qui peut se dire manque de réalité. N'existe et ne compte que ce qui ne passe pas dans le mot.
E. M. Cioran, Ébauche de vertige, p. 102
Ce qui peut se dire est nécessairement virtuel, c'est-à-dire du domaine des représentations. Si je vous parle, je vous parle un peu de moi, puisque je ne saurai parler que du monde que je connais (mon monde, dirait W.) . Mais à quoi bon ? Si Cioran à raison, à quoi bon parler tout court, à quoi bon écrire, blogger ? Parce qu'en vieillissant, je perd le soucis du réel. Je me confesse, je ne suis qu'un personnage virtuel, Allie Cauldfield, un pseudonyme mal choisi, derrière lequel se cache un système nerveux, qui dirigent des doigts, derrière lesquels se cache un homme, dans sa bulle phénoménologique... Derrière laquelle, qui sait, l'inexprimable, l'espace rempli de philotes, rempli de consciences éthérées, 7 milliards de démiurges qui rêvent le même rêve, s'entrelacent en un tissu onirique en flottant à travers les étoiles...
... et peut-être, l'inexprimable, c'est qu'il n'y a rien, derrière.
Il n'y a pas un autre monde. Il n'y a même pas ce monde-ci. Qu'y a-t-il alors ? Le sourire intérieur que suscite en nous l'inexistence patente de l'un et de l'autre.
E. M. Cioran, Ébauche de vertige, p. 78

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